— Personnage auquel le chapitre 38 entier de la Genèse est consacré, Tamar apparaît dans le premier chapitre (1,3) de l'Évangile selon Matthieu. Le chapitre de Gen. a donné lieu à des interprétations et des commentaires nombreux dans le judaïsme ancien et médiéval (pseudépigraphes, Philon d'Alexandrie, midrashim, targoumim, Talmudim, etc.). A l'exception de Philon — qui voit dans l'histoire de Tamar une allégorie de la Vertu —, les textes juifs non-halachiques insistent sur la valeur messianique de l'épisode de Tamar et comparent cette dernière à Rebecca, à Ruth (autre ancêtre du Messie) et à la mère de Moïse. Cette attente du Messie-Roi éclipsait dans le judaïsme du début de notre ère, sauf à Qoumrân, l'attente des autres Messies. Les évangélistes Matthieu et Luc se situent dans la tendance palestinienne dominante, eux qui ont le souci de légitimer l'ascendance davidique de Jésus. Ce souci disparaît chez les Pères de l'Église des quatre premiers siècles, et l'histoire de Tamar et de la naissance de ses fils s'intègre dans une symbolique chrétienne qui récupère à son profit les événements bibliques : elle se sert de ceux-ci comme d'un support pour une spiritualité nouvelle. L'appropriation chrétienne des récits bibliques va jusqu'au renversement des significations traditionnelles juives données à ces 15 récits et, d'enchaînement en enchaînement, se développe alors une exégèse autonome engendrant d'autres exégèses, sans référence spirituelle au point de départ vétéro-testamentaire. C'est ainsi que dans les deux premiers siècles naissent les exégèses d'éléments isolés dans l'histoire événementielle de Tamar et de ses fils, exégèses qui s'enrichissent par l'utilisation, consciente ou non, de certains procédés d'herméneutique juive. L'exemple du fil écarlate, attaché lors de sa naissance au bras de Zara, est, à cet égard, tout à fait significatif. Pour Irénée il signifie la foi sans la circoncision : Pérès, ancêtre du Messie selon la chair, laisse la première place à Zara porteur de la messianité spirituelle puisqu'il représente à la fois les Patriarches précédant Abraham — donc antérieurs à l'Alliance qui exigeait la circoncision — et la foi de la Nouvelle Alliance qui se libère de...

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