— 1. La « Vita ». — 2. Les institutions de Condat. — 3. Spiritualité. — 4. Le monachisme jurassien. 1612

1. La « Vita Patrum Iurensium ».

— L'appellation « Pères du Jura » est déjà familière au premier et presque unique document qui nous renseigne, mais avec quelle richesse, sur les plus anciens moines de la province gauloise de Séquanie. Cette Vita uel Regula sanctorum Patrum Romani, Lupicini et Eugendi monasteriorum Iurensium Abbatum, d'une « authenticité criante » (F. Masai, RHE, t. 65, 1970, p. 523) et d'une incontestable valeur littéraire, fut écrite peu après la mort de saint Oyend (Eugendus) et avant la fondation faite à Agaune par le roi Sigismond, c'est-à-dire entre les années 510 et 515 (sur cette dernière date, voir F. Masai, Débuts.., p. 56 et 62). Elle a pour auteur un moine anonyme, disciple et confident de saint Oyend (s'agirait-il de Viventiole, bientôt évêque de Lyon ?). L'unité de cette triple Vita n'exclut pas une différence de ton, suivant qu'elle traite de faits plus éloignés ou plus proches dans le temps. L'activité des deux premiers Pères appartenait à un passé relativement lointain (Romain se retira à Condat, dans le désert boisé du Jura, vers 435 ; il fut ordonné prêtre en 444 et mourut vers 465 ; Lupicin, son frère, lui survécut jusque vers 480) ; aussi leurs deux biographies apparaissent-elles comme plus ou moins stylisées : à côté de renseignements de première valeur, d'autres sont teintés de légendes ; les portraits contrastés des deux « héros du Christ » opposent à dessein les aspects complémentaires de l'idéal monastique, surtout la douceur et l'austérité ; leurs leçons se traduisent en gestes et en paroles exemplaires, parfois en discours étudiés. Les réminiscences de la Vita Martini et celles de la Vita Antonii et de la Vita Pauli accentuent cette couleur hagiographique. Il reste pourtant facile d'atteindre à travers ces beaux et fervents récits l'histoire très sûre des origines monastiques jurassiennes et les traits authentiques des...

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