Auteur : Hugo RAHNER.
 
Tome 4 - Colonne 1726
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Titre de l'article : EUTRAPÉLIE.
Début de l'article :
— La notion, le nom et l'histoire de la vertu que, depuis Aristote, on appelle eutrapélie (εὐτραπελία) offrent un exemple-type de l'influence de l'éthique péripatéticienne sur la morale chrétienne, et de la transformation que celle-ci lui impose. Ce qui constituait chez Aristote une notion centrale, sera redécouvert par saint Thomas d'Aquin, mais la théologie morale postérieure la réduira à l'état de notion marginale fort éphémère et n'en traitera habituellement qu'en relation avec la vertu cardinale de tempérance. Pour saisir avec plus de profondeur la nature de l'eutrapélie et en dégager sa signification, exposons l'histoire de la notion grecque et de son introduction dans la morale thomiste. — 1. Doctrine grecque de l'eutrapélie. — 2. Doctrine chrétienne.
1. Doctrine grecque de l'eutrapélie.
1° L'histoire de l'eutrapélie considérée comme une vertu commence avec Aristote. Le stagirite se demande, dans l'Éthique à Nicomaque (IV, 14, 1128a), si l'homme cultivé et appartenant à une civilisation raffinée peut chercher son délassement même dans le plaisant badinage et le jeu. Il répond par l'affirmative : on ne doit cependant pas abandonner le juste milieu ni commettre de faute par défaut ou par excès. « Puisqu'il doit y avoir dans la vie aussi du délassement et dans ce délassement aussi une conversation liée à la plaisanterie gaie.., l'homme doit y trouver le milieu entre le trop et le trop peu ». Mais ce juste milieu, seul l'ἀνὴρ εὐτράπελος le trouve, sans devenir, pour autant, βωμολόχος (pitre, bouffon, farceur) ou ἀγροιϰός (rustaud, balourd). L'eutrapélie est donc la vertu qui se situe à égale distance entre la bouffonnerie et la balourdise dans l'usage du jeu, du badinage et de la conversation gaie ; elle évite aussi bien la licence des faiseurs de calembours et la morosité des rustres. Et en voici la définition : « Ceux qui savent plaisanter avec mesure (ἐμμιελῶς παίζοντες) sont appelés εὐτράπελοι ». Aristote explique ce mot par εὔτροποι, qui caractérise les hommes qui savent « bien se tourner », bien se comporter. La traduction latine que Thomas d'Aquin avait sous les...

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