— La « région de la dissemblance » est une expression qui a connu, à travers des contextes divers, une curieuse et intéressante fortune. Vieille de vingt-trois siècles, elle a été redécouverte depuis une vingtaine d'années. Les problèmes qu'elle pose, les filiations qu'on peut lui trouver, les milieux où elle a été employée ont été l'objet d'études qui l'ont située en meilleure lumière. En faisant le point des connaissances acquises, on tentera de dégager les interprétations dont elle est susceptible. 1. Platon. — 2. Plotin. — 3. S. Augustin, — 4. Le 12e siècle. — 5. Du 13e au 17e siècle. Les indications bibliographiques et la signification des abréviations sont données à la fin de l'article.

1. Origine lointaine : Platon.

« Océan de dissemblance » ou « région de dissemblance » ? — On remarquera tout d'abord, avec Fr. Chatillon (Mélanges, p. 86-87, n. 3), que la Bible ne mentionne pas la région de la dissemblance. Elle connaît la « vallée des cadavres et la région de la mort » (Jér. 31, 40), la « terre étrangère » (Ex. 18, 3), la « terre aride, épuisée et sans eau » du ps. 63, 2, la « terre des ténèbres » (Job 10, 21). Elle parle de la « terre de l'oubli » (Ps. 88, 13), assez voisine de notre expression. Elle évoque, dans Luc (15, 13), la « région lointaine » où l'enfant prodigue connaît le dernier dénuement. Cette mention est la plus importante, car elle viendra plus tard se mêler à la région de la dissemblance. Même si leur contenu est différent, le caractère souvent symbolique de ces expressions et leur localisation géographique fort vague ont pu préparer les écrivains chrétiens à en employer une autre qu'ils puisaient chez des philosophes, mais qui littéralement n'en différait pas beaucoup. C'est à Platon qu'il faut faire remonter, semble-t-il, l'origine de l'expression qu'avaient...

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