— L'idée de dissipation trouve en spiritualité deux applications : l'une sur le plan moral et l'autre, sur le plan mental. On mène une vie dissipée ; on se sent l'esprit dissipé. Elle s'entend sur le plan moral d'usages de la vie qui gaspillent les forces, les dons, et le temps lui-même, en choses nuisibles ou tout au moins vaines par rapport aux exigences de notre destinée céleste. Cette dilapidation s'apprécie à bien des degrés constituant une gamme fort étendue selon la qualité de l'idéal. Au degré le plus fort il s'agira de vies dépensées en folies, amusements, jouissances et excès, qui correspondent au « luxuriose vivere » des anciens et de la parabole du fils prodigue (Luc 15, 13). Des âmes délicates qualifieront de dissipées des périodes d'existence, souvent la leur propre, relativement innocentes, mais un peu trop légères, trop occupées d'affaires, de soins, vanités et soucis mondains, trop oublieuses ou négligentes de l'unique Nécessaire (Marc 4, 18 et Luc 14, 18). Dissipent également le temps et les dons de Dieu des âmes appelées ou engagées qui se laissent retenir ou ressaisir par mille choses plus ou moins incompatibles avec la garde du coeur, le recueillement, l'esprit intérieur, la tendance à la perfection. Interviennent en ces cas tout ce que recouvrent les étiquettes classiques de animi relaxatio ou remissio, effusio ad exteriora, otiositas, sensualitas, saecularitas ; — mondanités, vaines curiosités, bavardages, attaches déréglées, petites passions, agitations d'esprit autour d'objets étrangers à la vocation, irrégularité ; — tout ce qui tend à établir la tiédeur proprement dite, ou du moins une médiocrité spirituelle caractérisée. La notion est donc relative. Quel que soit le degré, le remède consistera toujours en une conversion. Avec ce qu'elle implique de remise en ordre. Ordonner sa vie au sens des Exercices spirituels de saint Ignace, par les moyens de retraite, réflexion, prière, componction, victoire sur soi, détachement et générosité aidée de la grâce. En dehors de ce qui concerne parfois l'emploi de moyens destinés à dissiper activement, en s'en détournant, en faisant diversion, des préoccupations, inquiétudes, tristesses...

[...]