Auteur : Pablo M. GARRIDO.
 
Tome 16 - Colonne 1532
Article gratuit
Titre de l'article : YEPES (FRANÇOIS DE), tertiaire carmélitain, 1530-1607.

— Francisco de Yepes était le frère aîné de saint Jean de la Croix, fils de Gonzalo de Yepes et de Catalina Alvarez ; il est né à Fontiveros (Avila), en 1530, mais, comme dans le cas de son frère, on ignore le jour et le mois. D'après Velasco qui s'était informé de près pour écrire sa biographie, Francisco avait dix ans de plus que son frère Jean qui serait donc né, non en 1542, comme on le dit habituellement, mais en 1540, date assez probable, confirmée par le fait que le saint devait mourir à « cinquante-deux ans, plus ou moins » (Vida del venerable… Francisco de Yepes, P. 99).

Orphelin de père à « dix ou onze ans » (ibid., p. 5), c'est-à-dire en 1541 ou 1542, Francisco eut à souffrir durant un an l'expérience du manque d'affection chez un oncle, médecin de Gálvez (Tolède), auquel sa mère l'avait confié afin d'alléger sa pauvreté. De retour à Fontiveros, il fréquenta l'école, mais pour peu de temps, car « il profitait peu 1533 de cet exercice » (p. 6). De fait, à peine a-t-il pu apprendre à lire ; il ne parvint jamais à savoir écrire ; c'est pourquoi sa mère décida de lui faire apprendre le métier de tisserand qui était le sien, métier dans lequel il devait « passer le reste de sa vie ».

Vers 1548, alors que « le serviteur de Dieu avait environ dix-huit ans » (ibid., p. 7), Francisco partit avec sa mère et son frère à Arévalo à la recherche d'un meilleur emploi ; c'est là qu'il épousa Ana Izquierdo. Il eut en elle, durant sa vie, une « buena compañera », qui le seconda toujours de bon coeur dans ses oeuvres de charité (p. 13-14). Ils eurent huit enfants dont une seule devait survivre et qui, sous le nom de Bernarda de la Cruz, fera profession au monastère du Saint Esprit à Olmedo (p. 33-34).

En 1551, lorsqu'il avait environ vingt deux ans, Francisco partit avec sa famille à Medina del Campo où il devait passer le reste de sa vie, fort pauvre, exerçant son humble métier de tisserand (p. 14-15). Sous la direction des Jésuites récemment arrivés dans cette ville, spécialement de Baltasar Alvarez qui fut son confesseur durant quelques années, et de Cristóbal Caro (p. 59-60), il s'adonna à une intense vie d'oraison et aux oeuvres de charité dans lesquelles, après une brève parenthèse de dissipation, il avait commencé à s'exercer déjà à Arévalo. Son frère Jean fut témoin de cette vie, alors qu'il étudiait au collège des Jésuites et avant qu'il se soit décidé à prendre l'habit des Carmes au couvent de Medina, en 1563.

Francisco eut de bonnes relations avec les Carmes et, après la mort du jésuite Cristóbal Caro † 1599, il commença à se confesser à eux, puis il entra dans le Tiers Ordre du Carmel (p. 114). Un de ses confesseurs, José de Velasco, qui le connut durant trois ans (p. 284, 385), écrira la vie de Yepes en 1616, dix ans à peine après sa mort qui eut lieu à Medina le 30 novembre 1607. Francisco est mort en réputation de sainteté ; il fut enterré dans l'église du couvent des Carmes (p. 217-23).

Francisco de Yepes, sur ordre de Cristóbal Caro et d'autres confesseurs (p. 60), dicta diverses relations autobiographiques, rédigées par différents secrétaires ou copistes (p. 385) ; Velasco s'en servit, mais elles ont disparu aujourd'hui. En revanche, on conserve deux relations sur son frère Jean de la Croix (Madrid, Bibliot. Nacional, ms 12738, p. 611-18 ; ms 8568, p. 369-91), que nous avons publiées dans Santa Teresa, San Juan de la Cruz y los carmelitas españoles, Madrid, 1982, p. 374-90. Les renseignements qu'on y trouve, surtout ceux relatifs aux premières années du saint, sont du plus grand intérêt.

Yepes laissa aussi des Avisos espirituales et de nombreux couplets et chansons exprimant ses sentiments envers le Seigneur et sa Mère. Parmi les premiers, que Velasco a recueillis et qui sont disséminés au long de sa biographie, certains méritent une spéciale attention : ceux qu'il laissa pour son confesseur le P. Caro (Vida, p. 60-63), et une série d'avis qu'il avait l'habitude de donner à ceux qui étaient en relation avec lui (p. 249-54). Quant à ses « cantarcillos », on regrette que Velasco ne les ait pas tous recueillis « car leur poésie est très douce et simple » (p. 241), et c'est de cette simplicité et de cette douceur qu'elle tire son plus grand charme. En tout cas, ceux que nous avons sont plus que suffisants pour considérer Yepes comme un bon représentant de la poésie populaire castillane. Les bons critiques commencent à le reconnaître.

1534 Madrid, Biblioteca Nacional, ms 8568, p. 357-67 (Relation du carme Francisco del Barrio : « Tout ce que j'écris ici témoigne en toute vérité que je l'ai entendu souvent rapporter par Francisco de Yepes, frère du père fr. Jean de la Croix, … ») ; — Archivo Secreto Vaticano, Section de la Congrégation des Rites, mss 2838 et 2840 : déclarations des témoins aux procès ordinaire et apostolique de Médina en vue de la béatification de Jean de la Croix, qui évoquent Yepes.

José de Velasco, Vida, virtudes y muerte del venerable varón Francisco de Yepes, Barcelone, 1624 (1re éd., Valladolid, 1616 ; revue, 1617, 1619 ?) ; éd. critique par A. Díaz Medina, Valladolid. — J. Bonnet, Espejo de vida y exercicios de virtud, Barcelone, 1644, p. 77-88. — Jacobus a Passione Domini, De stralen van de sonne van der Vater en Propheet Elias, Liège, 1684, p. 251-65. — J.M. Cossio, Rasgos renacentistas y populares en el Cántico espiritual de San Juan de la Cruz, dans Escorial, n. 25, Madrid, 1942, p. 223. — E. Orozco, Poesía y mística. Introducción a la lírica de San Juan de la Cruz, Madrid, 1959, p. 134-39. — Eulogio de la Virgen del Carmen (Pacho), San Juan de la Cruz y sus escritos, Madrid, 1969. — P.M. Garrido, Santa Teresa, San Juan de la Cruz y los carmelitas españoles, Madrid, 1982, p. 187-205 ; San Juan de la Cruz y Francisco de Yepes. En torno a la biografía de los dos hermanos, Salamanque, 1989 ; Fr. de Y., … Un juglar « a lo divino », dans San Juan de la Cruz, espíritu de llama, Rome-Kampen, 1991, p. 63-83. — T. Alvarez, S. Juan de la Cruz y Fr. de Y., dans Monte Carmelo, t. 100/1, 1992, p. 159 svv. — T. Egidio, El hermano de S. Juan…, dans Actas del Congreso intern. san-juanista, t. 2, Valladolid, 1993, p. 483-92.

Pablo M. GARRIDO.

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