Auteur : Étienne BORNE.
 
Tome 10 - Colonne 122
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Titre de l'article : MAL.
Début de l'article :
Position de la question. — 1. Les sagesses humaines et le mal. — 2. Recherche d'une spécificité chrétienne. — 3. Le paradoxe du judéo-christianisme. Position de la question. — Les auteurs anciens écrivaient sur « les biens et les maux ». Philosophes et théologiens cherchent l'origine et l'essence du « mal ». Le langage commun, qui n'est jamais sans pensée, distingue ce qui « fait mal » et ce qui « est mal ». D'où, enveloppant souffrances et fautes, malheurs et crimes, injustices et iniquités, un vaste et disparate univers aux frontières incertaines, dont il n'est pas sûr qu'il fasse un monde unifiable et qu'il est impossible de maîtriser dans un raccourci synthétique. Pourtant, en dépit d'une éprouvante pluralité, le propre d'un mal ou du mal est de faire à chaque fois question, ou plutôt d'être lui-même question, si bien qu'il y a moins de parenté entre un mal et un autre qu'entre les questions que sont en eux-mêmes les maux et le mal. La souffrance qui lèse ou torture le corps, la douleur qui brise le coeur font autant de questions sur les limites et les possibilités du corps et du coeur, d'où un redoublement de la souffrance et de la douleur. Étourdie ou délibérée, explicable par l'inattention ou la méchanceté, la faute met en question une rectitude ou une normalité qui, dès lors, ne vont plus de soi ; de même l'injustice, visible, étalée, de l'inégalité des destins et des conditions jusqu'à l'exploitation des faibles et la persécution des innocents, rend du coup problématiques la rationalité et la bonté de l'ordre du monde, et même de l'ordre tout court. Le questionnement, dont l'esprit est l'objet plus encore que le sujet, devient angoisse lorsque l'irréparable du malheur ou du crime menace de porter l'intolérable à l'absolu, en barrant l'horizon du mur de l'insoluble. Toutes les sécurités paraissent se dérober, et la première d'entre elles, la confiance naturelle de l'homme dans la nature, la sienne et celle des choses : « Voilà d'où vient le mal, à savoir de la propre volonté. Celle-ci n'est pas une nature, mais une faute, et par là elle est aussi contraire à la nature » (Augustin,...

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