— Du fait qu'elle permet à chaque homme de revivre et d'assumer son passé, mais aussi de conserver et d'utiliser à son profit ce qu'il peut connaître de l'expérience d'autrui, la mémoire joue un rôle capital dans l'existence humaine. On envisagera ici seulement quelques aspects de ce rôle tels qu'ils apparaissent dans l'histoire de la spiritualité chrétienne : I. Mémoire et souvenir dans l'Écriture ; II. « Memoria » dans la tradition augustinienne ; III. Mémoire 992 chez saint Jean de la Croix, considéré comme type des auteurs mystiques. D'autres aspects seront abordés dans les articles Meditation, Méthodes, Dans la spiritualité monastique de l'Orient, la « mémoire de Dieu » a pris peu à peu un sens spécifique qui mérite d'être traité à part : cet article Mnèmè Theou (infra) est cependant' complémentaire de l'article Mémoire.

I. LA MÉMOIRE DANS L'ÉCRITURE

Comme l'a noté O. Michel (Kittel, t. 4, p. 678), l'idée de mémoire, de souvenir, occupe une place importante dans l'Écriture. En effet, la foi et la piété des juifs et des chrétiens sont fondées sur des événements sauveurs, qui demandent à être remémorés dans la prière et commémorés dans le culte. La révélation judéo-chrétienne ne se rapporte pas à une méta-histoire d'ordre mythique ; elle s'inscrit dans une histoire, mieux : elle fait cette histoire. La création et la chute originelle sont comprises non comme des mythes (même si on leur donne parfois ce nom), mais comme le commencement de l'histoire. Cette révélation s'adresse à un peuple bien défini, puis à une Église, et instaure entre Dieu et l'homme un type spécifique de relations. La foi est acquiescement à une Parole divine transmise par des auteurs inspirés, puis par le Verbe fait chair. Prononcée dans le passé, cette Parole dit un événement dont les effets perdurent, énonce un enseignement qui est exigence et lumière pour le présent, proclame enfin une promesse pour un avenir indépassable. A la Parole de Dieu, qui...

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