— La pudeur se manifeste par un mouvement des yeux, du sang, des mains, un mouvement de la chair et de l'esprit qui s'oppose au dévoilement d'une région du corps comme à celui d'un sentiment, d'une idée ou d'un souvenir qui doit rester secret. Même s'il révèle l'intention de cacher, cet affect n'est pas intentionnel. Il surgit aux frontières du volontaire et de l'involontaire. Il rend furtivement conscient ce qui ne l'était pas. La pudeur ne va pas sans trouble. Ce trouble est relatif à la crainte qu'apporte la révélation de ce qui doit rester voilé. Et ce qui doit rester voilé, c'est ce qui ne peut pas se dire en sa totalité. Cet impossible à dire entièrement relève de la vérité de ce qui parle en l'homme : vérité d'une altérité originaire qui n'est jamais réductible à ce que l'homme peut en dire, mais aussi vérité d'un dédoublement menteur qui fait tomber l'homme sous le coup de son propre jugement ou du jugement des autres et que, par orgueil, pour offrir une image impeccable de lui-même, il doit dissimuler. On peut dire que tout mouvement de pudeur a à être interprété pour savoir de quelle impossibilité il dépend : celle de la vérité qui ne peut pas se dire toute 2608 ou celle de la vérité qui ne veut pas se dire toute. La première est celle de l'amour, la seconde celle de l'orgueil. C'est la gloire de Dieu que confesse la première impossibilité. C'est la peur de la lumière que trahit la deuxième. La pudeur rend visible sous la forme d'une retenue — qui est dissimulation ou discrétion — ce qui a été invisiblement, inconsciemment touché dans la survenue d'une rencontre, dans l'interrogation d'un regard ou dans l'évocation d'un mot. Elle indique par une attitude de retrait que la rencontre, le regard ou le mot touche juste avant même que celui ou celle qui l'éprouve ne le sache. Elle révèle à celui qui l'éprouve ce qui parle en lui de l'amour ou de l'orgueil… là même où, dans la quotidienne visibilité du monde, il n'en veut rien savoir.

1. LA PUDEUR, ÉNIGME DE LA VÉRITÉ.

— La pudeur se situe à égale distance de la réaction dénégatrice...

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