— La notion de religion, dont le contenu sémantique a beaucoup évolué, a retenu depuis longtemps l'attention de nombreux spécialistes : philosophes, historiens, ethnologues, anthropologues, phénoménologues, psychanalystes… Les théologiens s'en sont aussi occupés, spécialement de nos jours pour la distinguer de la foi (cf. l'art, ci-dessous). Nous nous arrêtons ici à la théologie scolastique et à l'école bérullienne.

I. THÉOLOGIE SCOLASTIQUE

Dans la théologie scolastique, le problème a été envisagé surtout à propos de la vertu morale de religion. L'exposé de saint Thomas sur ce point, dans la seconde partie de la Somme théologique (2a, 2ae, q. 80-100), reste une réussite inégalée ; aussi fera-t-il l'objet principal de notre étude. Pour bien comprendre cet exposé, il faudrait cependant le situer dans une tradition 309 d'école qui impose à saint Thomas le cadre et la problématique de sa doctrine ; on se reportera sur ce sujet aux travaux d'O. Lottin mentionnés dans la bibliographie. La position de l'Aquinate a d'autre part fait l'objet d'observations critiques déjà chez Cajetan et Suárez, puis, de nos jours, de contestations plus accentuées dont il nous faudra tenir compte. — 1. La doctrine de saint Thomas. — 2. Observations critiques et contestations.

1. La doctrine de saint Thomas.

— A la suite de Cicéron (De inventione II, 53), qui s'inspire lui-même du stoïcisme, saint Thomas fait de la religion une « partie potentielle », c'est-à-dire une « vertu annexe » de la justice, seconde vertu cardinale (2a 2ae, q. 80, a. 1). La justice en général consiste à rendre à chacun ce qui lui est dû ; ses « parties » comportent la religion qui concerne l'hommage et le culte dus à Dieu (mais Thomas note que l'homme est incapable de « s'égaler » à ce qu'il doit), la piété qui concerne le devoir envers les parents, l'observantia (obéissance et honneurs) qui englobe le devoir envers les supérieurs en dignité ou responsabilité (ibid.). L'exposé suit un plan rigoureux : la religion en tant que vertu...

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