— C'est durant la période hellénistique que les mots γνῶσις (connaissance) et γιγνώσϰειν (connaître) et leurs dérivés acquièrent une signification proprement et habituellement religieuse, et les données néo-testamentaires permettent d'inférer, avec une très grande probabilité, que ce phénomène est dû à l'influence de la traduction biblique de la Septante et qu'il se situe dans le contexte de l'apologétique juive de la diaspora, surtout alexandrine. Il n'y a ni création d'une terminologie inexistante, ni emprunt pur et simple à la langue courante ou aux traditions philosophiques, mais adaptation, spécification et enrichissement de matériaux déjà largement répandus, réinterprétés dans le cadre d'une épistémologie surnaturelle. D'une connaissance de type rationnel s'interrogeant sur l'existence et la nature de Dieu, on passe à une connaissance de foi, où l'acte de la créature se fait accueil d'un Donné révélé (l'Emmanuel), adhésion personnelle dans la vérité de l'amour, intimité appelant de soi une mise en commun de plus en plus plénière, que le prophète Osée (2, 19-20) compare à l'union conjugale. La connaissance de Dieu dans la Bible ne se présente jamais, en effet, comme un savoir gratuit, une γνῶσις ψιλή, selon l'expression d'Évagre le Pontique. Si elle est l'authentique accès au mystère divin, c'est au mystère d'une histoire sainte où Dieu s'éngage pour provoquer l'homme à s'engager à son tour, et la certitude qu'elle confère s'affirme dans la docilité de l'être et la conversion du coeur. Aussi la tradition grecque considérera-t-elle la θεωρία et la πρᾶξις comme les deux pôles nécessaires et concomitants de toute connaissance véritable. C'est d'ailleurs cet aspect existentiel et totalitaire de la gnose qui rend si difficile, voire illusoire, l'analyse sémantique d'un mot englobant les composantes essentielles de l'attitude spirituelle de l'homme vis-à-vis de Dieu et, par un contre-coup inéluctable, vis-à-vis de lui-même et du monde. Elle est science, parce qu'elle prend appui sur la Vérité substantielle ; elle est lumière, parce qu'elle épouse la vision même de Dieu ; elle est sagesse, parce qu'elle unit indissociablement dans...

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